Déclaration des Etats parties au TIAN pour un monde sans armes nucléaires (Vienne juin 2022)
Déclaration de Vienne de la 1ère réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires
« Notre engagement en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires »
Nous, États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, sommes réunis ici pour la première réunion des États parties, afin de marquer l’entrée en vigueur du Traité, de réaffirmer notre détermination à réaliser l’élimination complète des armes nucléaires et de tracer la voie à suivre pour l’application intégrale et effective du Traité. Nous nous félicitons de la large participation des États signataires et des observateurs, ainsi que d’autres observateurs, des représentants de la société civile et des survivants de l’utilisation et des essais d’armes nucléaires.
Nous célébrons l’entrée en vigueur du traité le 22 janvier 2021. Les armes nucléaires sont désormais explicitement et complètement interdites par le droit international, comme c’est le cas depuis longtemps pour les armes biologiques et chimiques. Nous nous félicitons que le traité comble cette lacune dans le régime juridique international contre les armes de destruction massive et réaffirmons la nécessité pour tous les États de se conformer en tout temps au droit international applicable, y compris le droit humanitaire international.
Nous réitérons les impératifs moraux et éthiques qui ont inspiré et motivé la création du traité et qui, aujourd’hui, animent et guident sa mise en œuvre :
Que l’établissement d’une interdiction juridiquement contraignante des armes nucléaires constitue une étape fondamentale vers l’élimination irréversible, vérifiable et transparente des armes nucléaires, nécessaire à l’instauration et au maintien d’un monde exempt d’armes nucléaires et, partant, à la réalisation des buts et principes de la Charte des Nations Unies.
Que les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires ne peuvent être traitées de manière adéquate, qu’elles transcendent les frontières nationales, qu’elles ont de graves répercussions sur la survie et le bien-être de l’homme et qu’elles sont incompatibles avec le respect du droit à la vie. Elles provoquent la destruction, la mort et le déplacement, ainsi que de profonds dommages à long terme à l’environnement, au développement socio-économique et durable, à l’économie mondiale, à la sécurité alimentaire et à la santé des générations actuelles et futures, notamment en ce qui concerne les impacts disproportionnés qu’elles ont sur les femmes et les filles.
Tous les États partagent la responsabilité de parvenir au désarmement nucléaire, de prévenir la prolifération des armes nucléaires sous tous ses aspects, d’empêcher l’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes nucléaires et d’aider les victimes, de réparer les préjudices et de remédier aux dommages environnementaux causés par l’utilisation et les essais antérieurs des États dotés d’armes nucléaires, conformément à leurs obligations respectives en vertu du droit international et des accords bilatéraux.
Le risque de détonation d’une arme nucléaire par accident, par erreur de calcul ou à dessein concerne la sécurité de l’humanité tout entière et la réalisation et le maintien d’un monde exempt d’armes nucléaires servent les intérêts de la sécurité nationale et collective.
Que les risques que l’existence des armes nucléaires fait courir à l’humanité tout entière sont donc si graves qu’il faut agir immédiatement pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. C’est le seul moyen de garantir qu’elles ne seront plus jamais utilisées, en aucune circonstance. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre.
Nous sommes alarmés et consternés par les menaces d’utilisation d’armes nucléaires et par la rhétorique nucléaire de plus en plus stridente. Nous soulignons que toute utilisation ou menace d’utilisation d’armes nucléaires constitue une violation du droit international, y compris de la Charte des Nations Unies. Nous condamnons sans équivoque toutes les menaces nucléaires, qu’elles soient explicites ou implicites et quelles que soient les circonstances.
Loin de préserver la paix et la sécurité, les armes nucléaires sont utilisées comme des instruments de politique, liés à la coercition, à l’intimidation et à l’exacerbation des tensions. Cela met en évidence, aujourd’hui plus que jamais, le caractère fallacieux des doctrines de dissuasion nucléaire, qui reposent et s’appuient sur la menace de l’utilisation effective des armes nucléaires et, partant, sur les risques de destruction d’innombrables vies, de sociétés, de nations, et de conséquences catastrophiques à l’échelle mondiale. Nous insistons donc pour que, dans l’attente de l’élimination totale des armes nucléaires, tous les États dotés d’armes nucléaires n’utilisent ou ne menacent d’utiliser ces armes en aucune circonstance.
Nous restons gravement préoccupés par le fait que neuf États possèdent encore entre eux environ 13 000 armes nucléaires et par les doctrines de sécurité, qui exposent les raisons de l’utilisation ou de la menace d’utilisation des armes nucléaires. Nombre de ces armes sont en état d’alerte et prêtes à être lancées en quelques minutes. Nous sommes en outre préoccupés par le fait que certains États non dotés d’armes nucléaires continuent de prôner la dissuasion nucléaire et d’encourager la poursuite de la possession d’armes nucléaires. L’instabilité croissante et les conflits ouverts exacerbent considérablement les risques d’utilisation de ces armes, que ce soit délibérément ou par accident ou erreur de calcul. L’existence d’armes nucléaires diminue et menace la sécurité commune de tous les États ; en fait, elle menace notre survie même.
Nous regrettons et sommes profondément préoccupés par le fait qu’en dépit des risques terribles, et malgré leurs obligations juridiques et leurs engagements politiques en matière de désarmement, aucun des États dotés d’armes nucléaires et leurs alliés sous le parapluie nucléaire ne prend de mesures sérieuses pour réduire leur dépendance à l’égard des armes nucléaires. Au contraire, tous les États dotés d’armes nucléaires dépensent des sommes considérables pour maintenir, moderniser, mettre à niveau ou étendre leurs arsenaux nucléaires et accordent une plus grande importance et un rôle accru aux armes nucléaires dans les doctrines de sécurité. Nous demandons instamment qu’il soit mis fin immédiatement à ces tendances déconcertantes. Nous soulignons que ces ressources pourraient être mieux utilisées pour le développement durable.
Dans ces circonstances, le traité sur l’interdiction des armes nucléaires est plus nécessaire que jamais. Nous irons de l’avant avec sa mise en œuvre, dans le but de stigmatiser et de délégitimer davantage les armes nucléaires et de construire progressivement une norme mondiale solide et impérative à leur encontre.
Ensemble, nous développons les mécanismes du traité. Nous nous acquitterons pleinement de nos obligations nationales. Nous travaillerons en partenariat avec les Nations Unies, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, d’autres organisations internationales et régionales, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires et d’autres organisations non gouvernementales, des chefs religieux, des parlementaires, des universitaires, des peuples autochtones, des victimes de l’utilisation d’armes nucléaires (hibakusha), ainsi que des personnes touchées par les essais nucléaires et des groupes de jeunes. Nous reconnaissons et apprécions leur précieuse contribution à la progression du désarmement nucléaire. Nous continuerons à nous appuyer sur l’expertise d’éminents scientifiques et à consulter et travailler de manière inclusive avec les communautés touchées.
L’esprit humanitaire du Traité se reflète dans ses obligations positives, qui visent à réparer les dommages causés par l’utilisation et les essais d’armes nucléaires. Nous renforcerons la coopération internationale entre les États parties pour faire progresser la mise en œuvre des obligations positives de ce traité. Nous travaillerons avec les communautés touchées pour fournir une assistance tenant compte de l’âge et du sexe, sans discrimination, aux survivants de l’utilisation ou des essais d’armes nucléaires, et pour remédier à la contamination environnementale. Nous mettons l’accent sur les dispositions novatrices du Traité en matière de genre et soulignons l’importance d’une participation égale, pleine et effective des femmes et des hommes à la diplomatie du désarmement nucléaire.
Nous nous efforcerons de susciter l’adhésion au Traité dans toutes les régions. Nous mobiliserons la conscience publique en faveur de notre objectif d’adhésion universelle au Traité et de sa pleine application. Nous nous efforcerons de mettre en œuvre le plan d’action que nous avons adopté pour guider nos efforts en vue d’atteindre les objectifs et les buts du Traité. Nous nous réunirons régulièrement pour examiner la mise en œuvre de ce Traité et nous identifierons toute mesure supplémentaire visant à renforcer le Traité et à faire progresser le désarmement nucléaire.
Nous travaillerons également avec les États qui ne font pas partie du Traité. Nous reconnaissons que le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est la pierre angulaire du régime de désarmement et de non-prolifération, et nous déplorons les menaces ou les actions qui risquent de le compromettre. En tant qu’États parties au TNP pleinement engagés, nous réaffirmons la complémentarité du traité avec le TNP. Nous sommes heureux d’avoir fait progresser la mise en œuvre de l’article VI du TNP en mettant en vigueur une interdiction juridique complète des armes nucléaires, en tant que mesure nécessaire et efficace liée à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire. Nous exhortons tous les États parties au TNP à redoubler d’efforts pour mettre pleinement en œuvre l’obligation énoncée à l’article VI ainsi que les mesures et les engagements convenus lors des conférences d’examen du TNP. Nous réaffirmons notre volonté de travailler de manière constructive avec tous les États parties au TNP pour atteindre nos objectifs communs.
Nous continuerons à soutenir toutes les mesures qui peuvent contribuer efficacement au désarmement nucléaire. Il s’agit notamment des efforts visant à mettre en vigueur le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, des mesures provisoires visant à réduire le risque d’utilisation et la menace d’utilisation d’armes nucléaires, de la poursuite du développement des mesures de vérification du désarmement, du renforcement des garanties de sécurité négatives et d’un instrument juridique interdisant les matières fissiles pour la production d’armes nucléaires et d’autres dispositifs explosifs nucléaires. Nous nous engageons à continuer de collaborer avec les zones exemptes d’armes nucléaires, en affirmant que les interdictions, les obligations et les objectifs du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires sont pleinement compatibles et complémentaires avec les traités établissant ces zones.
Nous nous engageons à souligner davantage l’urgence du désarmement nucléaire, les preuves importantes concernant les conséquences humanitaires et les risques posés par l’existence des armes nucléaires dans tous les processus pertinents de désarmement et de non-prolifération et plus largement auprès du public mondial. La prévention de ces conséquences doit être au centre de nos efforts collectifs pour atteindre et maintenir un monde sans ces armes.
Nous exhortons tous les États à adhérer sans délai au traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Nous appelons les États qui ne sont pas encore prêts à franchir cette étape à s’engager dans la coopération avec le traité et à travailler avec nous pour soutenir notre objectif commun d’un monde exempt d’armes nucléaires. Nous déplorons les actions de certains États dotés d’armes nucléaires visant à décourager les États non dotés d’armes nucléaires d’adhérer au Traité. Nous suggérons que l’énergie et les ressources de ces États seraient mieux utilisées pour réaliser des progrès concrets vers le désarmement nucléaire. Cela contribuerait véritablement à une paix, une sécurité et un développement durables pour tous. Nous saluerions et célébrerions de tels progrès.
Nous ne nous faisons pas d’illusions sur les défis et les obstacles qui nous attendent pour réaliser les objectifs de ce traité. Mais nous allons de l’avant avec optimisme et détermination. Face aux risques catastrophiques posés par les armes nucléaires et dans l’intérêt de la survie même de l’humanité, nous ne pouvons pas faire autrement. Nous emprunterons toutes les voies qui s’offrent à nous, et nous travaillerons avec persévérance pour ouvrir celles qui sont encore fermées. Nous n’aurons de cesse que le dernier État n’ait adhéré au Traité, que la dernière ogive n’ait été démantelée et détruite et que les armes nucléaires n’aient totalement disparu de la Terre.